Ce qui fait la différence entre un bon et un mauvais bijou

Pour paraphraser un trio d’humoristes bien connu : Bon ben le mauvais bijou, euh… y’a du métal précieux, y’a des pierres, mais c’est un mauvais bijou… Le bon bijou, ben euh… y’a du métal, y’a des pierres, mais bon, c’est un bon bijou quoi…

Plus sérieusement, j’estime qu’il y a environ ¾ (voire 85%) des bijoux du marché qui sont de qualité moindre ou inférieure. Attention, j’entends par la qu’ils sont de qualité médiocre, moyenne, mais ça ne veux pas forcément dire qu’ils sont de mauvaise qualité pour autant. (Je ne parle ici que de qualité structurelle, et non pas de qualité du travail de l’artisan ni de considérations esthétiques (mais ça à son importance et ça pourrait faire l’objet d’articles à venir…)).

Et c’est bien dommage, car la majorité des gens ne sont pas au courant qu’il existe deux méthodes de fabrication différentes, l’une qui favorise grandement la qualité structurelle du métal, tandis que l’autre va avoir tendance à donner une structure plus fragile au bijou.

Et mine de rien, c’est un point non négligeable lorsque l’on souhaite se procurer un bijou qui portera une signification forte, comme une bague de fiançailles, des alliances, une bague d’anniversaire de mariage, ou tout autre bijou hautement symbolique. Pour ce type de bijou, il me semble qu’on préfère avoir un objet durable, qui traverse le temps et les épreuves, plutôt qu’un objet qui va se casser à la moindre anicroche, ou qui va être usé en quelques années.

Ces deux méthodes différentes, c’est soit l’utilisation de métal forgé, soit l’utilisation de métal moulé.

(Si vous n'avez pas le temps de lire cet article tout de suite, je vous ait préparé une version pdf téléchargeable ici)


Forgé, laminé, plané-laminé, moulé, coulé, fondu… Qu’est ce qui est quoi ?

Un petit éclaircissement des termes est de rigueur avant de passer à la comparaison à proprement parler.

 

Un bijou est dit fabriqué en « forgé », « laminé », ou « plané-laminé » lorsque qu’il est fabriqué à partir de plaques et de fils qui ont préalablement subi de fortes contraintes physiques pour être déformés. Ces contraintes sont obtenues principalement par la forge (un marteau et une enclume), et le laminage (le passage entre deux rouleaux d’acier qui écrasent le métal pour en réduire la section). Ces trois termes sont utilisés  comme synonymes, mais vous trouverez plus souvent le terme de forgé, car ce terme est beaucoup plus parlant pour les non-spécialistes du domaine.

Mon laminoir à droite, et mon tréfiloir (une variante de laminoir mais pour faire des fils) à gauche.

Mon laminoir à droite, et mon tréfiloir (une variante de laminoir mais pour faire des fils) à gauche.

 

Un bijou est dit « moulé », « coulé » ou « fondu » (ces deux derniers termes sont plus rares) lorsqu’il est réalisé à partir d’un moule dans lequel est coulé le métal en fusion (donc liquide, pour ceux qui ont séché les cours de physique). En sort alors directement le bijou fini, sur lequel il faudra réaliser quelques finitions. Ce bijou n’aura que très peu voire pas subi de contraintes physiques lors de sa fabrication.

 

Maintenant que vous voyez bien clairement de quoi je vous parle (même si vous auriez pu vous en douter sans moi), passons au cœur du sujet.

Pain de mie et métal : il dit qu’il voit pas le rapport…

 

Oui, cela peut paraitre étrange, mais finalement c’est l’analogie la plus simple et la plus parlante que j’ai pu trouver pour expliquer la différence structurelle entre du métal simplement fondu et refroidi, et du métal forgé.

Voici une tranche de pain de mie, pour ceux qui ont du mal a visualiser…

Voici une tranche de pain de mie, pour ceux qui ont du mal a visualiser…

 
Un lingot tout juste coulé.

Un lingot tout juste coulé.

 

Il faut vous imaginer que le métal brut de fonte (donc juste coulé et refroidi : soit directement un bijou, soit un lingot) a une structure similaire à la structure d’une tranche de pain de mie. L’ensemble se tient sans problème, mais si on regarde de près, il y a plein d’ « espaces » structurels, et si on tire un peu dessus ou qu’on essaie de l’effriter, la tranche de pain de mie va se déchirer ou partir en miettes sans aucun effort particulier. Il en va de même (toutes proportions gardées, je vous déconseille de tenter de vous faire une tartine avec un lingot d’argent…) pour les métaux précieux : brut de fonte, ils seront relativement cassants et se dépoliront (s’ « effriteront ») beaucoup plus facilement.

Maintenant, prenez cette tranche de pain de mie, et aplatissez la bien (vous n’êtes pas obligés de le faire en vrai, vous pouvez aussi l’imaginer) : la composition est exactement la même, mais les « espace » structurels ont disparu, et le pain de mie est beaucoup plus élastique et résistant à la déchirure et à l’effritement. Cette tranche de pain de mie écrasée, c’est le métal forgé ou laminé : bien plus résistant à la casse et au dépoli, ce qui le rend bien plus durable que son équivalent juste fondu.

Mais alors, me direz-vous, pourquoi tous les bijoux ne sont pas fait en forgé plutôt qu’en moulage ?

L’inconvénient du forgé et l’avantage du moulé

Comme bien souvent, il n’existe pas de solution miracle, et le forgé présente un « inconvénient » majeur : il est difficile d’automatiser et de faire de la série sur des bijoux forgés, ce qui « force » les artisans qui veulent faire de la bonne qualité à travailler entièrement à la main. Par conséquent, les pièces doivent être réalisées une à une par un artisan qualifié, ce qui représente un certain coût. Par conséquent, un grand nombre d’entreprises (y compris des grands noms de la joaillerie…) a choisi le parti de faire de la qualité moindre pour avoir d’une part des coûts de production inférieurs, mais aussi (parfois) des prix de vente inférieurs.

Par ailleurs, certains artisans réalisent des pièces uniques en moulé, pour une autre raison majeure : il est beaucoup plus facile de sculpter de la cire, faire un moule autour, puis remplacer la cire par du métal, que de travailler le métal directement. Cela est particulièrement vrai pour des bijoux avec des volumes complexes et très figuratifs (comme les têtes d’animaux par exemple).

 Le choix du moulage est donc bien souvent fait pour des raisons économiques et de facilité.

 

Pour ma part, j’ai choisi de travailler exclusivement en forgé, car je souhaite que mes créations et fabrications soient de la meilleure qualité possible, mais le choix du moulé par d’autres se justifie tout à fait pour un tas de raisons, à la condition que le client soit clairement informé des inconvénients et avantages qui en découlent.

 

D’autres facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer de la qualité d’un bijou, comme en particulier la qualité du travail réalisé, mais le point central reste la méthode de fabrication. A qualité de travail égal, une pièce en forgé sera de qualité supérieure à une pièce moulée.

 

Voila, maintenant, si vous souhaitez un bijou durable et de qualité, vous saurez qu’il faudra demander à ce qu’il soit réalisé en forgé (ou laminé). Si jamais le bijoutier ou la bijoutière ne comprends pas la question, vous saurez qu’il vous faut trouver un nouvel artisan…

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